COMMUNIQUÉ DE PRESSE N° 2 – MARS 2015 (version pdf)
MANIFESTE POUR UNE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
La grande mystification de la Stratégie énergétique 2050 de la politique fédérale
La transition énergétique est un des grands défis de ce siècle.
On était en droit d’espérer que la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral allait poser les bases d’une société durable entièrement libérée des énergies fossiles et nucléaires.
Les mesures législatives précédentes très incitatives dans le développement des énergies renouvelables décentralisées et des économies d’énergies, étaient porteuses de beaucoup d’optimisme et de réalisme quant à l’avenir énergétique, écologique et économique du pays.
Aussi, pour beaucoup, la déception et l’incompréhension furent grandes quand, en 2013, le Conseil fédéral publia son Plan stratégique sur l’énergie qui freine gravement la production décentralisée des énergies renouvelables et fixe pour 2050 encore 38 % d’énergies fossiles dans la consommation du pays !
On pouvait encore croire à une saine réaction politique en décembre dernier lors de la session d’hiver du Conseil national. Bien au contraire, lors du débat sur la nouvelle loi sur l’énergie, premier volet du Plan stratégique, une nette majorité des Parlementaires a encore renforcé les entraves au développement des énergies renouvelables en refusant même de fixer des objectifs de réduction des consommations pour 2020 et 2035.
Certes, ces textes (Stratégie et loi) seront encore débattus au Conseil des États dans le courant de 2015, mais la voie paraît bien tracée : les mesures décrétées par le Conseil fédéral finiront très probablement par s’imposer au niveau de la politique fédérale.
Quelques exemples d’extraits commentés aussi bien du projet de la loi sur l’énergie que de la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral :
Abandon de la RPC
« La rétribution à prix coûtant (RPC) est remplacée par un système de prime de l’injection avec commercialisation directe. Les gestionnaires d’installations assumeront désormais eux-mêmes la responsabilité de la vente de courant. Le but est d’inciter les exploitants à faire correspondre l’injection d’électricité avec la demande. »
Le remarquable succès de la RPC (34’420 projets sur la liste d’attente en octobre 2014 !) sera pratiquement stoppé. De plus, inciter les exploitants à faire correspondre l’injection d’électricité avec la demande est un but illusoire. Il est, en effet, techniquement et économiquement impossible aux productions électriques renouvelables de participer au suivi de la charge du réseau puisqu’elles proviennent toutes d’une source naturelle dont elles suivent les fluctuations, au même titre d’ailleurs que les grandes centrales hydrauliques « au fil de l’eau ». Seules, les centrales hydrauliques à accumulation, nombreuses et puissantes en Suisse, peuvent adapter la production aux variations de la consommation.
Réduction massive du potentiel photovoltaïque
« Pour les installations photovoltaïques d’une puissance inférieure à 10 kW (env. 80 m2 de capteurs), la rétribution est exclue ; elle est remplacée par une contribution unique à l’investissement. »
L’encouragement à l’autoproduction de l’électricité photovoltaïque va fortement réduire le potentiel photovoltaïque national. En effet, les propriétaires d’une toiture apte à l’installation de capteurs solaires n’équiperont évidemment que la surface nécessaire à leurs propres besoins.
Réduction démesurée de la durée de garantie de la prime d’injection
« La durée de garantie de la prime d’injection est réduite de 25 à 15 ans pour la petite hydraulique et le photovoltaïque et de 20 à 10 ans pour les installations à biomasse avec mandat d’élimination (usines d’incinération, stations d’épuration, etc.). »
Cette réduction exclut pratiquement tous les projets, cette fois pour des raisons économiques. En effet, aucune banque ne participe à un investissement au-delà de la durée garantie de la rétribution. Or, si celle-ci était réduite dans de telles proportions, l’augmentation du taux d’annuité fixe qui en résulterait rendrait les projets irréalisables financièrement.
Mise à mort des petites centrales hydroélectriques
« Sont exclues du système de rétribution les installations hydroélectriques, hors infrastructures, d’une puissance inférieure à 1’000 kW de puissance équivalente (environ 2’000 kW de puissance électrique). Cette restriction concerne également les rénovations d’aménagements anciens. »
Cette disposition condamne à mort un potentiel important de production régulière décentralisée, entièrement réalisé par des petites entreprises nationales, voire locales. Selon une étude de l’OFEN, les petites centrales sont conçues et construites à 95 % en Suisse. Plus de 11’000 personnes travaillent actuellement dans ce domaine. D’autre part, la réhabilitation des sites anciens contribue toujours à l’amélioration de la biodiversité des cours d’eau ainsi qu’au continuum biologique et piscicole entre l’amont et l’aval.
Seules les installations de grande puissance représentent un intérêt national
« Les centrales hydroélectriques dont la puissance est supérieure à 3 MW (environ 6’000 kW de puissance électrique) et éoliennes de grande puissance (> 5 MW) seront considérées comme étant d’intérêt national, donc non soumises aux études d’impact, contrairement aux petites installations. »
En affranchissant les installations de grande puissance des études d’impact, le pouvoir politique dévoile bien son arrière-pensée d’entraver le développement des énergies renouvelables décentralisées.
Ainsi, les belles intentions proclamées par le Conseil fédéral et les milieux politiques de (presque) tous bords, reprises par (presque) tous les médias (tournant énergétique ambitieux et déterminé, encouragement au développement des énergies renouvelables. etc.) sont aussitôt abandonnées dans les mesures législatives destinées à les mettre en application.
La crainte se confirme toujours plus : la Stratégie énergétique 2050 du pouvoir politique fédéral repose bien plus sur la préservation de lobbys électriciens et pétroliers que sur les problématiques majeures que posent à notre société les risques nucléaires et le réchauffement climatique.
Collectif de scientifiques et de praticiens de l’énergie
En annexe: argumentaire n°2